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29
Jan-2017

Les Chachapoyas, le peuple des Nuages [Pérou]

Histoires   /   Tags:

Le nord du Pérou donne parfois l’impression de vivre en pleine légende. On y entend des histoires de civilisations disparues, de peuples bâtisseurs, de forteresses imprenables, de momies et de chamanisme. Cette région de vallées profondes dissimule ses trésors archéologiques dans des plis de cordillère que l’on atteint au prix d’un peu de sueur : fonds de grottes, bords de falaises, lagunes cachées, éperons rocheux, épaisses jungles envahissant des vestiges de pierre.

Cette Histoire brumeuse, sonnant comme un récit d’aventure, n’est pas une légende, bien qu’elle en ait toutes les apparences. Elle se cristallise dans les vestiges d’un peuple à part, mystérieux et secret, longtemps méconnu : les Chachapoyas.

Implantés depuis 400 ap. J.-C. dans les brumes andines autour de la ville actuelle de Chachapoyas, le peuple du même nom a dû fuir les assauts incas à la fin du XVe siècle, puis le débarquement espagnol dès 1538. Ils se sont alors encore plus enfoncés dans leurs forêts d’altitude, entre Andes et Amazonie, ce qui leur a valu le surnom de « Peuple des Nuages ».

On sait aujourd’hui encore peu de choses sur la vie des Chachapoyas pendant la période pré-inca. La forteresse de Kuelap, sorte de Macchu Pichu du nord, immense citadelle perchée seulement découverte au milieu du XIXe siècle, raconte beaucoup de leurs talents d’architectes, de leurs connaissances en astronomie, de leur cosmologie et de leurs croyances. Sur le site de La Congona et ailleurs sous le couvert des forêts, se dressent toujours les ruines de leurs maisons de pierre rondes, autrefois coiffées d’un toit de chaume conique et décorées de frises aux symboles géométriques.

Les Chachapoyas croyaient en une vie après la mort et soignaient leurs pratiques funéraires. Pas si loin de nous, en 1996, deux agriculteurs des environs de Leymebamba découvrent un mausolée rouge et blanc le long d’une corniche naturelle, creusée dans les falaises surplombant la Laguna de los Condores. Dans les chullpas (loges funéraires) qu’ils parviennent à atteindre, plusieurs dizaines de momies emmaillotées dans des ballots de tissus, parfois sous plusieurs couches selon l’importance du défunt. A l’intérieur de ces langes mortuaires, les momies apparaissent recroquevillées, la tête sur les genoux, parfois une main sur les yeux, ou les deux mains sur les oreilles, figées dans des postures effrayantes à la Munch, accompagnées de leurs bijoux et de leurs effets personnels.

Dès l’année suivante, les autorités prévenues de cette incroyable découverte, une expédition archéologique exceptionnelle se met en branle, ce genre d’aventures d’un autre âge dont on pense qu’elles sont exclusives au XIXe siècle. Pendant plusieurs mois, une équipe d’archéologues et d’ethnologues affrontent l’humidité et les dangereux sentiers conduisant à la laguna (lire le portrait de Sinecio, qui a participé à l’expédition). Il faut devancer les huaqueros (pilleurs de tombes), fouiller, manipuler avec précaution les 219 momies et les centaines d’artefacts mis au jour, les redecendre un par un au-delà de la laguna pour enfin pouvoir les étudier et commencer un long travail de conservation.

Les crânes de certaines momies laissent voir de fins cheveux blonds. Pas châtains ou blancs, mais blonds, vraiment blonds. Les chroniqueurs espagnols du XVIIe siècle marquent d’ailleurs leur étonnement lorsqu’ils entreprennent de décrire ce peuple à la peau presque blanche, aux yeux parfois clairs, à la taille haute et à la beauté si particulière. Des études ADN ont récemment confirmé cette singularité génétique en mettant en lumière un génome constitué à 15% d’origines galiciennes. Quand on parcourt les rues des pueblos de la vallée d’Utcubamba ou de la capitale Chachapoyas, cette anomalie se lit sur certains visages et certaines physionomies surprenantes. Le nez fin, les yeux en amande, le port élégant : ici, les femmes sont plus belles qu’ailleurs dans la cordillère. Les Espagnols et les Incas l’avaient remarqué avant nous et ne se privaient pas de les prendre pour épouses (de force, cela va de soi à l’époque). Aujourd’hui encore, dans certains villages, les têtes sont blondes et le cheveu bouclé.

Les Chachapoyas et leurs descendants sont définitivement à part, peuple de légende flottant au-dessus des nuages.

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 goûts / Un commentaire
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  1. Martin charpentier /

    Passionnant et surprenant cette histoire des chachapoyas !

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