Fév-2017
Regard sur l’artisanat en Équateur
En arrivant à Cuenca, première grande agglomération au sud de l’Équateur, la quantité de produits artisanaux exposés sur les stands du marché de la place San Francisco ou dans les boutiques de la Calle Larga saute aux yeux. Sculptures en bois, bijoux, tissus, bonnets, peintures, chapeaux… Cette foule d’objets plus ou moins kitsch, plus ou moins bien faits et plus ou moins chers représente la première vitrine de la ville.
Certaines réputations ont la vie dure. Lors de la construction du canal de Panama, les ouvriers équatoriens mobilisés par le chantier avaient eu la bonne idée de se protéger du plomb du soleil tropical grâce à des chapeaux à la fois souples et résistants. La mode prend, le chapeau est arboré par tous et on associe vite le couvre-chef à l’endroit où il est porté. Erreur, confusion et amalgame !
La vérité vraie, l’Histoire sans coups de machette, c’est que les panamas ont toujours été fabriqués en Équateur. La paja toquilla, la fibre de feuilles de palmier utilisée pour la confection de chapeaux aussi efficaces contre le soleil (et la pluie), est récoltée non loin de la côte Pacifique, dans les environs de Montecristi (qui devrait être donc le véritable nom des panamas, CQFD).
Au bout d’un long travail de patience où la structure du chapeau est lentement tressée par des mains féminines, certains modèles sont envoyés à Cuenca pour un second travail de finition dans des ateliers le plus souvent familiaux. A Cuenca aussi, on fabrique des panamas. La finesse du tressage est souvent moindre, les modèles modernisés pour plaire aux badauds en voyage…et le prix dégringole, bien sûr. C’est à Montecristi que l’art du panama est à son apogée, excellence de la lanière de paja, virtuosité de la main chapelière. Pour les puristes, on parle de plusieurs centaines de billets verts pour avoir le privilège de suer du crâne en toute élégance et de ressembler à un chef d’État en goguette.
Cuenca recèle d’autres talents, d’autres secrets, d’autres fibres travailleuses. Dans les petits bourgs à l’est de la ville, on travaille l’or et l’argent, le tissu et les couleurs. A Gualaceo, une fabrique de tissus, largement rodée à l’exhibition touristique, aime montrer, au milieu d’un bordel d’objets improbables, le fil qu’elle déroule depuis plusieurs générations autour de ses métiers en bois et de ses pelotes blanches. On travaille selon la technique traditionnelle de l’ikat, dont les préceptes, partagés dans le monde entier, ne sont pas propres à l’Équateur.
Une matrice de noeuds savamment agencés reproduit le motif souhaité, allant de figures géométriques les plus simples à de complexes réseaux quasi dentelés. Le tissu trempe dans des mixtures de colorants naturels – ô miracle vermeil du mélange de la poudre de cochenille et du jus de citron ! Puis on consacre plusieurs jours voire plusieurs semaines au tissage, assis sur le parquet de l’atelier familial. Le touriste achève la boucle en palpant, sentant, étirant et retournant les pièces de tissus ou de laine. Sur le mur blanc/boue du rez-de-chaussée, une photo jaunie et vaguement encadrée raconte la fierté d’une famille : l’actrice Salma Hayek, petite bombe latine aux racines mexicaines et au coeur breton, a acheté ici une makana, un châle finement et patiemment tissé pendant plusieurs mois. Tout est dit.
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